On ne s’intéresse pas à vos photos ?

Le 2 décembre 2024

Tout vient du coeur !

Le célèbre photographe Français Henri Cartier Bresson dont je retrace la vie et l’oeuvre dans une des vidéos de mon club photo en ligne, disait : photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur. En photo nous parlons souvent de l’oeil, de la tête mais rarement du coeur. C’est ce que je vous propose dans cet article.


Pour moi, l’acte photographique est très souvent l’expression d’un sentiment. Mais avant cet acte si matériel, plusieurs étapes ont lieu, même si souvent elles sont instantanées et parfois très inconscientes. Nous assistons à une scène, cette scène parle à notre conscient ou à notre inconscient. Si c’est à notre conscient, nous ressentons à ce moment là un sentiment que nous comprenons de suite : la joie, la peine, l’angoisse, l’excitation. Nous ressentons le besoin d’immortaliser cette scène, ce sentiment. Le coeur s’est exprimé, il a maintenant besoin de crier, de partager.
Et c’est à ce moment là dont nous avons besoin de connaître la technique, si nous prenons notre appareil photo (notre smartphone) et que nous appuyons sur le déclencheur sans prendre le temps de régler les paramètres, nous photographions la réalité. La réalité froide du monde qui nous entoure, cette réalité à laquelle nous n’avons pas accès, puisque nous le voyons continuellement à travers le prisme de nos sens, de nos émotions, de notre culture, de notre éducation. L’appareil, lui, calcule uniquement l’intensité lumineuse de la scène et la reproduit la plus fidèlement.
L’acte photographique n’est donc pas de reproduire la réalité, mais votre vision du monde, votre interprétation de la scène. C’est souvent pour cela que l’on s’ennuie lorsque nos amis nous montrent leurs photos de voyages, ils n’ont pas photographié ce qu’ils ont ressenti, mais ce que l’appareil a capté. Que m’importe de voir la muraille de Chine, que m’importe Java, les îles philippines, Sumatra, Bornéo comme le chante Henri Salvador, et je rajoute si c’est pour les voir dans leurs réalités. Ce qui m’intéresse c’est de ressentir ce que les gens ont éprouvé lors de ces moments, pourquoi ils ont pris ces photos !
Pour cela, il faut jouer avec la balance des blancs, la profondeur de champ, la vitesse, le cadrage, savoir et comprendre comment l’oeil lit une image. Je rajouterai même, se constituer une bonne culture générale (il n’est jamais trop tard pour s’y mettre). Connaître les grands photographes, les grands peintres mais aussi les auteurs, les musiciens, connaitre l’histoire des lieux, la géographie, le climat. Partir pour Cuba en connaissant l’histoire de cette île, en s’étant intéressé à sa musique, sa culture et même au jeu d’échecs, on comprend mieux ce que l’on voit, les gens et on photographie mieux. Faire des photos à La Havane avec les chansons d’Hibrahim Ferrer c’est totalement différent. S’arrêter à la Bodeguita Del Medio, boire un Mojito en ayant lu Hemingway et Pablo Neruda n’a rien avoir en terme d’expérience humaine et d’images. On a presque envie de ranger son reflex, son 24-800 et sortir un petit compact pour se faire le plus discret et laisser les lieux et les gens nous habiter. On aimerait même avoir une pellicule Kodak dans l’appareil pour sa chaleur, son grain fin mais présent.
Mais si vous laissez faire l’appareil photo, tout cela n’existera pas. Les photos de la Bodeguita Del Medio sans réglages, ce sont des murs griffonnés, parfois comme dans le métro, des bouteilles alignés, des verres sans rêves, des touristes en short, des ventilateurs figés ne trahissant pas la chaleur du lieu et un groupe de musicien tout aussi figé avec des guitares sans vie et des bouches ouvertes…une catastrophe, il me reste encore plus de 200 photos à regarder en me gavant d’apericubes et de noix de cajoux…j’arrive presque à la fin, quand j’entends mon ami me dire, mais on ne t’a jamais montré notre voyage en Egypte ?! Une merveille…
J’ai envie de lui dire que tout vient du coeur, que la photo n’est pas réalité, que ce qui m’intéresse c’est son monde intérieur, ses sentiments, sa façon de voir Cuba, j’ai envie d’entendre Compay Segundo, baisser la lumière, de me lever et danser, puis rire à table et en rentrant chez moi m’endormir avec les vers de Nicolás Cristóbal Guillén Batista ! 

Il est donc essentiel quand on a envie de photographier quelque chose, de comprendre ce que le coeur veut nous dire. Sans rentrer dans une analyse, savoir ce qu’il nous plait et à quoi cela fait référence en nous : un sentiment, un souvenir passé, un film, un roman, une poésie et après on doit traduire tout cela en image et non juste appuyer sur un bouton, au risque d’être déçu. C’est pour cela que dans mes cours, même si je parle forcement technique, je n’aborde jamais le triangle d’exposition en premier. D’ailleurs quelle expression repoussante pour ceux qui fuient les maths, la physique : le triangle d’exposition : horreur ! malheur… et oui ! Je l’affirme on peut faire de la photo sans être bon en math, comme on peut être bon musicien sans connaître le solfège..en photo il faut connaître la composition et en musique le rythme. Tout le reste vient du coeur !

© Yann MATHIAS 2024

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